
Vacances adaptées : pour qui, comment, et à quel prix ?
Par une éducatrice spécialisée
Depuis la loi du 11 février 2005, les personnes en situation de handicap psychique ont, en théorie, le droit aux mêmes vacances que tout un chacun. Ce texte, présenté comme un grand pas vers l’inclusion, ouvre de nouveaux droits, notamment à la compensation, à l’accessibilité, et donc aux loisirs et séjours dits "adaptés". Mais sur le terrain, une question me revient sans cesse : adaptés à qui, et comment ?
🌿 Le besoin d’évasion n’a pas de diagnostic
Je travaille depuis plusieurs années auprès d’adultes vivant avec des troubles psychiques. Tous ont des envies, des rêves, des goûts. Certains aiment la mer, d’autres la campagne. Certains rêvent de calme, d’autres d’animation. Tous ont besoin, comme vous, comme moi, de couper du quotidien, de retrouver une forme de liberté. Pourtant, ce simple droit au répit se heurte encore à des murs invisibles.
🧠 Handicap mental, handicap psychique : confusion persistante
Dans l’organisation des séjours adaptés, la confusion entre handicap mental et handicap psychique reste fréquente. Un trouble du psychisme n’altère pas nécessairement les capacités intellectuelles. Ce sont souvent des personnes ayant un bon niveau de réflexion, de compréhension, mais avec des troubles de l’humeur, de l’anxiété, ou une relation altérée au monde et à soi.
Et pourtant, combien de fois ai-je vu mes usagers traités comme des enfants ? On les surprotège, on les infantilise, on leur parle avec un ton condescendant. On leur impose des activités sans leur laisser le choix. Où est l’autodétermination, où est le respect de la personne ?
🧳 Des séjours "clés en main", mais sans âme
Les catalogues de vacances adaptées se sont multipliés. Ils promettent des séjours dans des lieux touristiques, avec encadrement, activités, et sécurité. Mais derrière la façade, il faut regarder de plus près :
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Encadrants parfois peu formés au handicap psychique,
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Effectifs en sous-nombre,
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Temps libres inexistants ou mal gérés,
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Programmes figés, où chacun doit suivre sans questionner.
Ces séjours peuvent être vécus comme des « centres fermés déguisés ». Des adultes sous surveillance constante, parfois surveillés jusque dans leurs choix alimentaires ou vestimentaires. Où est la détente ? Où est le droit d’être soi-même, vulnérable mais libre ?
🧭 Repenser l’accompagnement : un enjeu éthique
Accompagner des personnes vivant avec des troubles psychiques en vacances, ce n’est pas "les occuper". C’est co-construire avec elles un cadre sécurisant, souple et respectueux. C’est leur permettre de choisir, de ne pas faire, de prendre des initiatives, et parfois d’avoir des moments d’isolement sans que cela déclenche une panique logistique.
Un séjour réellement adapté devrait :
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Être pensé avec les personnes concernées,
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Tenir compte des particularités psychiques sans les réduire à des risques,
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Offrir un encadrement qualifié et stable,
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Valoriser les compétences plutôt que surveiller les fragilités.
🕊️ Vers d’autres formes de vacances ?
Face à ces limites, j’ai voulu créer un espace différent. Une résidence paisible, avec logements autonomes, une piscine, un accompagnement souple, éducatif mais non intrusif. Ici, on parle à l’adulte, pas à l’enfant. On écoute les besoins. On accepte aussi les silences.
Je ne prétends pas avoir trouvé la solution idéale. Mais je suis convaincue d’une chose : les personnes en situation de handicap psychique méritent autre chose qu’une "case vacances" sur une feuille de droits. Elles méritent des espaces respectueux, pensés avec et pour elles.
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